Trouver un intérêt particulier à ce thème là peut paraître difficile pour certain, naturel pour d’autres. Mais, je ne suis pas là pour faire la morale aux esprits limités ou défendre les incompris telle une militante déterminée. Non, je pense simplement pouvoir être un témoin sincère et réaliste afin d’expliquer que vivre avec une différence, ce n’est pas une vaine fatalité, mais plutôt une force inaltérable.

Naître avec un handicap n’est pas anodin. Encore aujourd’hui, il est mal vu, difficile à avouer et à accepter. Par conséquent, j’ai choisi de travailler sur ce thème vaste et complexe car je suis certaine qu’il y a beaucoup de chose à dire et à faire pour expliquer et faire bouger les choses de façon positive. J’aimerais réussir à améliorer l’image du handicap. Il est vrai que cela peut paraître stupide, je ne prétends pas pouvoir, à moi seule, faire évoluer les mentalités, mais comme le proverbe le dit si bien, il est parfois nécessaire d’apporter sa pierre à l’édifice. Et c'est bien ce que je compte faire....

Rappelons aussi que c’est un sujet peu évoqué et souvent difficile à aborder, faute de connaissances et d’intérêt suffisant. En ce qui me concerne, je pense avoir vécu suffisamment d’expériences pour pouvoir en parler et ainsi m’inspirer de mon parcours. Je crois qu’il est important de montrer la réalité, d’expliquer les choses et en particulier aux enfants afin, peut-être, de changer le regard sur la différence. Celle-ci est normale, et ne doit pas faire peur.

Être un enfant différent est difficile mais également enrichissant d’une certaine manière. Avec le recul et la maturité, il semble facile à comprendre, néanmoins, la petite fille que j’ai été a souffert de cette différence. L’enfance n’est pas toujours évidente, peu importe la situation, le passage de l’adolescence vers l’âge adulte est délicat pour chacun.

Nous avons tous été confrontés à des moments compliqués, croyant n’avoir aucune solution pour s’en sortir. D’ailleurs, l’école, et cela dès la maternelle, permet à l’enfant de s’épanouir et à ses parents de le guider dans la vie. Mais quand tout ne se passe pas comme sur des roulettes, quand l’autre, cruel et ignorant, vient perturber cet équilibre fragile, toute une période se retrouve chamboulée et les repères disparaissent.

A l’époque, et cela est encore le cas pour beaucoup, mes parents ont du se battre pour que je puisse intégrer le système scolaire dit ‘’normal’’. La réponse face à un handicap était souvent prononcée très vite, les centres spécialisés étant là pour accueillir l’enfant différent et aucune alternative était possible. Aujourd’hui, des progrès ont été réalisés, les centres existent encore, toutefois des A.V.S (aide à la vie scolaire) et un regard différent sur le handicap a permis l’intégration d’enfants handicapés moteur dans des classes de valides. Cependant, ce schéma idéal ne fonctionne que pour une minorité d’enfants, le manque d’A.V.S ou d’aménagements spécifiques faute de budget, de place etc... fait que encore trop d’enfants soient privés du contact scolaire dont ils ont véritablement besoin.

Chaque enfant, peu importe sa différence a besoin de se confronter aux autres de son âge, c’est une phase importante dans son développement. Devoir être scolarisés à la maison, par des parents n’est pas toujours la meilleure solution, malgré un dévouement pour leur enfant. Pour certains c’est un choix, pour d’autres c’est une obligation, faute de moyens. Le handicap coûte cher, et bien que l’État offre des aides, ce n’est pas suffisant.

Une question me revient souvent en mémoire, en quoi étais-je si différente ?

Après tout, un handicap moteur comme le mien ne signifiait pas un retard quelconque dans l’apprentissage de la lecture ou du calcul. Certes, ma différence nécessitait une présence et une attention particulière par moment, mais ce n’était pas une tâche impossible avec un peu de bonne volonté et surtout une once d’humanité. La cruauté et l’intolérance des autres parents vis-à-vis des miens étaient, je l’imagine, pénible à gérer, et dire à une mère que son enfant n’est pas normal parce qu’il lui manque une main et une jambe, est assurément méprisable et incompréhensible. Alors oui, les mentalités ont changé depuis ces 25 dernières années, mais cela arrive encore malheureusement.

Il y aura toujours une minorité aux idées préétablies qui agira dans le sens inverse de l’évolution. N’oublions pas qu’un enfant peut être cruel aussi, si pas plus qu’un adulte, sachant qu’il ne comprendra pas forcément le sens de ces paroles.

Mais comment peut-il apprendre et appréhender la vie si on ne lui explique pas les choses sans omettre la vérité ?

Ainsi, je ne prétends pas pouvoir parler au nom des enfants d’aujourd’hui, qui sont en situation de handicap. Je peux simplement parler de mon expérience et quelque chose me fait croire que les sentiments et ressentis sont les mêmes qu’à mon époque. Néanmoins, et même si je ne peux pas m’exprimer pour eux, je pense pouvoir nourrir de façon légitime mon projet par mes expérience passées et présentes, mon vécu et ma vision des choses sur le handicap.

Pourquoi vouloir faire un livre interactif pour les enfants ?

Il y a plusieurs raisons à cela évidemment, mais la première est que j’aurais voulu avoir un tel ouvrage à ma disposition afin, peut-être, d’aider la petite fille timide et blessée que j’ai été à cause des autres. mon seul souhait, et c’est pour cela que je me suis lancée dans l’élaboration de ce projet, c’est d’aider l’enfant à tolérer et accepter sa différence. A dire vrai, je ne peux pas vraiment dire si cela aurait changé les choses pour ma part, mais je suis persuadée que cela pourrait au moins accompagner l’enfant et favoriser l’acceptation des enfants (valides ou handicapés) et en particulier de nos jours, avec les nouvelles technologies et l’évolution des mentalités.

Ensuite, je me suis rendue compte que peu d’ouvrages traitent de ce sujet, et je trouve cela inacceptable. Encore une fois, ce n’est pas parce que je suis concernée, mais simplement, en tant que personne impliquée dans la société, je ne comprends pas qu’un tel sujet soit, encore aujourd’hui, si compliqué et délicat à traiter. Le handicap a longtemps été vu comme une contrainte, et notamment pour les institutions publiques et l’État qui, suite à des lois, à du mettre en place, et débloquer des financements afin d’aménager les lieux publics et ainsi permettre aux personnes en situation de handicap de sortir plus ou moins de leur exclusion. Évidemment, cela a vidé les caisses, mais n’était-ce pas nécessaire, aujourd’hui, sachant que la France est parfois en retard pour faire valoir les droits des personnes handicapées ?

Pour finir, j’aimerais simplement ouvrir les yeux aux valides, leurs faire comprendre ce que c’est que d’être en situation de handicap, peu importe la pathologie d’ailleurs. Une différence, il y en aura toujours, tant que l’on ne pensera pas qu’une personne handicapée est une personne à part entière, un homme, une femme ou un enfant, avec les même sentiments, rêves, envies, peurs ou désirs. Mais cela, sera probablement le sujet d’un prochain travail.